Restauration d'un poste TSF |
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Écrit par Jean-Marc Boistard | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Dimanche, 12 Octobre 2008 18:47 | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
J’ai entrepris la restauration d’un poste TSF de marque Ducastel, modèle Aiglon. Ce poste me vient du coté de mon père et a été acheté an 1952. Ne sachant pas par quel bout commencer cette restauration, j’ai commencé par me documenter, et là, comme souvent, « Google est ton ami ». J’ai parcouru différents sites dédiés à la TSF, et notamment :
Mais, malgré ces sites spécialisés, j’ai trouvé pratiquement aucune info sur le modèle Aiglon… Heureusement (et surtout !), j’ai contacté une personne qui avait restauré un poste Ducastel qui avait certaines similitudes avec le mien (modèle Dauphin), et qui a créé un site internet dédié lui aussi à la TSF avec ses restaurations, des explications, des astuces et des réalisations sur le sujet : http://site.voila.fr/tsf-resto Gaëtan m’a donc accompagné (supporté ?) pendant toute la durée de mes travaux, en répondant à mes questions, en m’expliquant, en m’orientant, le tout avec beaucoup de disponibilité, de patience et de pédagogie. Merci Gaëtan pour ton aide précieuse ! Première chose à faire : NE PAS BRANCHER LE POSTE. C’est écrit partout ! Alors ça c’est très frustrant au départ, mais c’est pour la bonne cause… En effet, la mise sous tension peut avoir des conséquences désastreuses au niveau des composants. Donc puisque je ne dois pas l’allumer, j’établis un état des lieux précis de l’appareil. La façade est certes sale, mais dans un état tout à fait correcte, juste quelques éclats à peine visible.
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Je retire le panneau arrière, et découvre le châssis métallique sur lequel sont positionnés les composants volumineux (transfo, lampes, condensateurs de filtrage). ![]()
![]() Pas de traces d’habitants gênants, juste des toiles d’araignées.
La restauration peut donc commencer. Tout d’abord l’électronique, l’ébénisterie viendra ensuite.
L’électronique.
Après démontage des boutons, j’extrais le chassis. Première chose à faire : un bon nettoyage pour enlever la poussière et les toiles d’araignées. Pour cela rien de mieux qu’un pinceau, des cotons tiges et un aspirateur. A noter quelques traces de rouilles sur le chassis métallique, mais qui ne paraissent pas trop profondes. On verra ça plus tard.
Ensuite, démontage des lampes (après repérage, ça peut servir au remontage…). Une fois bien nettoyées, elles semblent (presque) neuves. ![]() . . ![]()
A noter quelques difficultés avec « l’œil magique » dont le culot transcontinental n’est pas des plus simples à retirer. « L’œil magique » est la lampe visible sur la face avant qui sert d’indicateur d’accord dans la recherche des stations. Ensuite je retourne le chassis. Bonne surprise : il n’y a pas de composants explosés ou ayant coulé. Un simple nettoyage pour l’instant. Quelques traces de rouille là aussi. ![]()
Passons aux choses sérieuses. La première chose à faire est de changer les condensateurs de filtrage et les condensateurs papiers. Pour cela il faut les identifier, et ce n’est pas simple ! Voici quelques inscriptions, et la transposition :
Il ne reste plus qu’à adapter au plus proche des gammes actuelles (1 - 2,2 – 3,3 - 4,7 – 5,6 – 8,2 – 10 - …) et aux disponibilités des revendeurs locaux (pas simple...), sachant qu’en prenant des valeurs supérieures c’est plutôt mieux. Le soudage ne pose pas trop de problème sauf pour un condensateur avec une résistance en parallèle qui était difficile d’accès. A ce moment là, on peut tenter une mise sous tension, après avoir vérifié (interrupteur en position « allumé ») la résistance du primaire du transfo qui doit tourner entre 30 et 80 ohms. Problème, la résistance est infinie… Après quelques recherches et quelques mesures à l’ohmmètre, c’est le fusible qui s’avère défectueux. Je le remplace par un brin très fin de fil électrique, faute de mieux pour l’instant. Nouvelle mesure de la résistance du transfo : encore un problème. Cette fois, c’est l’interrupteur qui joue trop bien son rôle, puisque même en position « allumé », il ne laisse pas passer le courant. C’est pas grave, je le shunte pour le moment. Et là, c’est tout bon, je mesure la résistance du primaire du transfo : 35 ohms. Toutes les lampes étant retirées, je branche la prise secteur, en étant prêt à la retirer en cas de fumée ou d’odeur suspecte. Rien de tout cela, les lampes de cadran s’allument. Je mesure leur tension : 6V alternatif. Le transfo émet un léger grésillement, mais tout à l’air normal. Je continue les mesures au niveau de la lampe redresseuse, qui sert à transformer le courant alternatif en coutant continu. Comme indiqué par Gaëtan, je trouve 5V entre les cosses de chauffage de la lampe. Par contre, au niveau des anodes, je devrais trouver 350V alternatif, et là j’ai des choses très bizarres : tension fluctuante, de quelques volt à 200V, mais qui ne se stabilise pas… Gros problème donc... Après plusieurs essais et mesures, je me rends compte que les tensions sont "bonnes" si je mesure la masse sur une borne du transfo et non pas sur le chassis... Heureusement, Gaëtan m'aidera à trouver le problème : un des deux condensateurs de filtrage était relié à cette fameuse borne et non pas à la masse, et moi j'ai relié le nouveau au chassis... Donc je modifie le "moins" de ce condensateur, et change une résistance de 115 ohms qui part de la fameuse borne, car elle était HS. J'en profite pour tester toutes les autres résistances au ohmmètres, sauf celles supérieures à 2Mohms qui est la limite de mon multimètre. Elles sont OK, sauf une dont la valeur théorique a doublé. Je la change également par précaution. A ce moment, ça va beaucoup mieux :
Je met en place la lampe GZ41 (redresseuse), et mesures les tensions continues cette fois des condensateurs chimiques de filtrage :
C'est tout bon pour la haute tension ! Etape suivante : je branche toutes les autres lampes, et remets sous tension. Après quelques secondes, les lampes chauffent et rougissent, tout à l'air normal. ![]() ![]() 2 lampes en train de chauffer...
Je continue : je mets un fil de fer dans l'entrée antenne, et ça crache dans le haut parleur : c'est bon signe, le son arrive au haut parleur. Je sélectionne le commutateur de gamme sur Grandes Ondes, et tourne le bouton de sélection des stations. Ca crache pas mal dans le haut parleur, mais je ne capte rien... Faut dire qu'au fond du garage enterré, c'est pas surprenant, même si les GO passent assez bien normalement. Je sélectionne ensuite le Petites Ondes, et après quelques recherches, je capte... France Info ! Alors là je n'ai jamais été si content d'entendre France Info ! Le poste refonctionne !!!! Je passe ensuite en Ondes Courtes, avec une antenne faite d'un fil métallique de quelques mètres, et j'arrive à capter une dizaine de stations, étrangères pour la plupart, et de qualité moyenne. J'ajoute l'oeil magique : il fonctionne, sauf un quart de la lampe qui ne s'éclaire pas. Gaëtan me conseille de changer les 2 résistances, et il fonctionne maintenant correctement. Quelques explications : "L’œil magique" est la lampe visible sur la face avant qui sert d’indicateur d’accord dans la recherche des stations. Plus la station est puissante (et donc de bonne qualité) plus sa surface se trouve illuminée. Encore aujourd’hui cette lampe a quelque chose de fascinant, j’ose imaginer ce que c’était il y a plus de 50 ans…
Donc le bilan (positif !) à ce stade est le suivant :
Avant de continuer, je remédie à quelques dysfonctionnements qui ne m'embêteront pas longtemps : nettoyage de l'interrupteur et des potentiomètres (détachage et pulvérisation de produit "spécial contacts"), et remplacement du fusible défectueux par du fil de plomb (pas facile à trouver de nos jours...) Mais que faire pour essayer de capter d'autres stations ? L'ajout d'une antenne plus longue n'y fait rien. Faudrait-il "réaligner" le poste (c'est à dire réétalonner les différentes fréquences pour chacune des gammes d'ondes) ? Le problème, c'est que je n'ai ni le matériel, ni suffisamment de connaissances pour le faire... Alors je recommence mes recherches sur le net, et je trouve à 2 endroits que les condensateurs entre le bloc HF et la lampe "changeuse de fréquence" ECH42 peuvent être à l'origine d'une absence de sensibilité en PO et GO alors que les OC fonctionnent. Il s'agit de condensateurs "mica" pourtant réputés quasiment indestructibles. Comme ils sont repérés, je les dépose, et les remplace par des neufs de valeur avoisinantes. j'en profite pour changer un autre condensateur à proximité du bloc HF. Je remonte le tout, et effectivement, la sensibilité est un peu meilleure en PO !
![]() Le bloc HF et les 3 condensateurs à changer
Ensuite, je me suis aperçu qu'il y avait plusieurs autres condensateurs mica dans le bloc HF. J'ai donc entrepris de démonter le bloc HF. Je découvre alors des condensateurs en mauvais état... ![]() Les condensateurs du bloc HF sont en mauvais état...
Je décide de les déposer et de les changer. Gros problème, ils ne sont pas repérés, contrairement aux 3 premiers que j'ai changés... Et mon multimètre ne mesure pas les condensateurs... Comment faire ? Heureusement, j'ai trouvé, dans mon entreprise, un banc permettant de mesurer la valeur de ces condensateurs (Merci Fabrice !). Je les ai donc mesuré, et ai préparé un système avec une plaque de test me permettant de tester par tatonnement (ou par dichotomie, ça fait plus sérieux ;-) différentes valeurs pour chacun des condensateurs du bloc HF, et sur chacune des gammes d'ondes. Peut-être pas très académique, mais assez efficace...
Cela m'a permis d'obtenir d'assez bons résultats. Et bizarrement, j'ai eu besoin de changer radicalement la valeur de certains condensateurs d'origine, alors que d'autres avaient des valeurs assez proches des valeurs donnant le meilleur résultat :
Je ressoude ensuite les nouveaux condensateurs sur le bloc HF, puis le bloc sur le chassis, et effectue de nouveaux essais.
J'obtiens maintenant :
La partie électronique fonctionne maintenant correctement, et me satisfait pleinement. Il reste juste à essayer la prise PU (pour pick-up, c'est à dire tourne disque en français). Cette prise sert à amplifier une source audio quelconque. Pour la tester, j'ai réalisé un raccord permettant de brancher un lecteur MP3, avec un jack 3,5mm. Pas de problème, cela fonctionne, et je suppose que c'est la première fois qu'elle a été utilisée, après plus de 55 ans d'inactivité...
Pour finir, j'ai relié la prise "terre" du poste à la terre du réseau électrique. Je ne constate pas de différence à l'écoute (c'est à dire qu'il n'y a pas plus de parasites, mais pas non plus d'amélioration de la qualité de réception), mais c'est plutôt mieux en cas de défaut électrique. Voilà, c'est terminé pour la partie électronique, place maintenant à l'ébénisterie !
L’ébénisterie.
Tout d'abord, intéressons nous au chassis. La première chose à faire est de le dépoussiérer, ce qui n'est pas une mince affaire. Le nettoyage s'effectue avec un pinceau fin, des cotons tiges et un aspirateur pour évacuer toute la poussière. Le pinceau fin permet de nettoyer dans les endroits peu accessibles, sans abimer les composants. Pour les endroits carrément inacessibles, j'ai utilisé une bombe à air. Les lampes sont néttoyées avec un chiffon humide, en évitant les sérigraphies très sensibles à l'eau.
Passons maintenant à la caisse.
La caisse a également été nettoyée avec de l'eau japonaise et de la laine de verre pour les parties ternies. Brillant exceptionnel garanti ! Pour le cadre métallique, et la grille de haut parleur (métallique également), j'ai d'abord utilisé la brosse à dent et le savon. Pour le cadre, j'ai continué avec la laine d'acier et l'eau japonaise, mais je n'ai pas réussi à le rendre uniforme, car en frottant trop la peinture a tendance à partir, et il y a des endroits ou la peinture avait déjà des éclats. Je le repeindrai peut être entièrement un jour, mais pour l'instant je le laisse comme cela : ces quelques traces du passé témoignent de l'age du poste, et c'est pas plus mal... J'ai ensuite nettoyé la glace sur laquelle sont inscrits les noms des stations. Pas de problème du coté extérieur, par contre quelques gouttes d'eau sont passées coté intérieur, et les inscriptions se sont carrément dissoutes ! J'ai lu par la suite qu'avec l'age elles étaient solubles à l'eau et qu'il fallait donc éviter de les nettoyer... Ceci dit, vu la saleté de la glace, le nettoyage était indispensable... Pour remédier aux dégats du nettoyage du cadran des stations, j'ai utilisé la technique de Hubert Frappier qui consiste à imprimer une nouvelle sérigraphie refaite à l'ordinateur sur une feuille transparente, et d'insérer cette feuille transparente entre 2 vitres de 2mm d'épaisseur chacune. La difficulté est d'imprimer une couleur claire sur une feuille transparente. En effet, pour imprimer du blanc, aucune encre n'est envoyée par l'imprimante, et c'est le papier blanc qui donne l'aspect du blanc. Pour une couleur claire (par exemple un beige très clair), seule une encre très pale et quasiment translucide est envoyée par l'imprimante, et c'est la superposition de cette encre translucide sur le papier blanc qui donne l'aspect de la couleur claire. La technique d'Hubert Frappier est d'imprimer une couleur claire sur un transparent pour photocopieur, puis de saupoudrer cette impression de talc. En séchant, l'encre fige le talc, et donne une impression de sérigraphie blanche. Le seul bémol est que le talc laisse une pellicule opaque sur le support, et que ça donne une impression de verre dépoli alors que la verre d'origine était clair.
A gauche le cadran d'origine, à droite le nouveau. Cette technique est décrite en détail ici : http://hubert.frappier.free.fr/radio/brico/serigraphie/P-serigraphie.html . Merci à Hubert que j'ai contacté par mail pour son site et ses conseils. La pellicule opaque n'est pas vraiment gênante, mais l'effet obtenu est différent du cadran d'origine, et ça m'embête un peu... J'ai alors fait un autre essai avec de la farine dont la consistance est plus épaisse que celle du talc. Et oh surprise, la farine n'adhère pas au transparent comme le talc ! Le résultat est donc plus conforme au cadran d'origine. La tenue dans le temps sera toutefois à surveiller ! Pour la réalisation de la nouvelle sérigraphie, je suis reparti d'un scan du cadran d'origine (ou du moins de ce qu'il en restait...), et j'ai utilisé le logiciel de mise en page open source Scribus, qui a comme caractéristique de pouvoir gérer très précisément la largeur, la hauteur et l'espacement des caractères. En effet, les lettres d'un nom court (comme LIMA) sont plus larges et moins rapprochées que celles d'un nom long (comme LUXEMBOURG).
Le remontage complet du poste ne posera pas de problème particulier. Voilà, c'est maintenant terminé. Le poste fonctionne, il est dans la salle à manger, sur un buffet ancien. A sa place ! ![]()
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On l'écoute ?
Pour terminer, un poste radio étant quand même fait pour être écouté, je vous propose... de l'écouter, comme si vous y étiez ! Pour cela, dans l'image ci-dessous, cliquez sur les carrés indiquant les différentes gammes d'ondes pour entendre un extrait de ces gammes :
![]() Merci de votre attention ! |
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Mis à jour ( Vendredi, 17 Février 2017 20:40 ) |