Etat des lieux :

Ce poste date des années 1935 et appartenait à la famille. Il a passé ses 70 premières années dans un petit village de Saône et Loire, à Gilly-sur-Loire pour être précis. Il ne comporte aucune inscription de marque ni de modèle, c’est probablement un poste artisanal, comme cela se faisait souvent à l’époque, dans les campagnes. La caisse a déjà été nettoyée, poncée et vernie lorsque je l’ai récupéré. Je démonte la face arrière qui est en contreplaqué ajouré. Je découvre alors un poste à « 2 étages ». Je m’explique : le châssis comprenant les lampes et les différents composants se trouve dans la partie supérieure de la caisse, alors que les 2 hauts parleurs sont dans la partie inférieure. Un cordon comprenant 5 fils relie l’étage inférieur à l’étage supérieur.

Le châssis est assez fortement rouillé, et le cadran en plastique noir a été grignoté dans sa partie supérieure. Je soupçonne quelques souris d’avoir élu domicile dans le poste lors de son séjour au grenier, et d’être à l’origine du grignotage du cadran et de l’état du châssis...

En retournant le châssis, je découvre un nombre important de composants. Une particularité : une tablette de composants bien alignés, fixée au châssis par une tige soudée des 2 cotés au châssis. L’une des soudures a d’ailleurs lâché. Ca fait très propre, mais je vois quelques condensateurs en dessous qu’il sera difficile d’atteindre…

Première chose à faire : un bon nettoyage avec aspirateur, pinceau, et brosse à dent. Très efficace !

Passons à l’identification des lampes. Il y en a 6 : une valve 80, une EBC3 (détection et préampli BF), une AF3 (MF), une AK2 (changeuse de fréquence), et une AL... (lampe de puissance BF). 

Et pour la dernière sans inscription, je constate qu’elle est presque identique de par sa forme à l’AL…, mais pas tout à fait. Et comme elles sont recouvertes d’une couche de peinture noire, on ne voit pas à l’intérieur si elles sont semblables. Après réflexion,  il pourrait s’agir de 2 AL3 (ou dérivées : AL1, AL2, AL4), câblées en parallèle, chacune alimentant un haut parleur. Curieux montage, qui devait donner au poste une puissance plus que suffisante.

Autre bizarrerie, la lampe EBC3 fait figure d’intruse dans ce jeu de lampe. En effet, elle est chauffée en 6,3V alors que les autres étaient en 4V. Pour chaque série de lampe, la première lettre représente la tension de chauffage : 4V pour la série A, et 6,3V pour la série E. Apparemment un échange a été fait suite à une panne, et le réparateur a du mettre ce qu’il avait sous la main. La conséquence est une lampe ne donnant pas son rendement optimal, car sous alimentée . A l’occasion je remplacerai cette lampe par celle d’origine, vraisemblablement une ABC1

Restauration :

Je commence donc le travail de restauration de l’électronique. 

Premièrement, les condensateurs. Repérage des condensateurs à changer. Pas de problème pour les condensateurs « papiers » très bien repérés. Sauf 2 noircis comme s’ils avaient brulés… En mouillant et en frottant le support, j’arrive à voir les valeurs.

Pour les chimiques, pas de problème non plus.

Le poste ne comporte pas de fusible, uniquement un cavalier qui sert de sélecteur de tension (positionné à 245V). J’ai remédié à cela en mettant un véritable fusible, c’est plus prudent.

Après les précautions d’usage, le poste est mis sous tension. La partie BF fonctionne, mais uniquement sur un des 2 HP.

La lampe (celle qui n’a pas d’inscription) est reliée à ce haut parleur, et elle ne chauffe pas. Filament coupé. Les mesures à l'ohmmètre me montrent que la bobine d’excitation est bonne (1013 ohms), mais que le transfo de sortie est coupé. C’est vraisemblablement ce qui a provoqué la destruction de la lampe… 

Après repérage minutieux du câblage des 2 lampes finales, je me suis aperçus qu'elles étaient câblées différemment. L'une à chauffage direct et l'autre à chauffage indirect. J'en déduis que suite à une panne, une lampe a été changée et le câblage modifié en conséquence. Le poste comportait vraisemblablement à l'origine 2 AL3 (ou AL4) à chauffage indirect, et suite à une panne l'une a été remplacée par une AL1. Je modifie le câblage pour avoir 2 lampes à chauffage indirect, et remplace la lampe HS (sans inscription) par une AL4. Le transfo de sortie à également été changé.

La liste des lampes est donc la suivante :

• 80 : valve redresseuse
• AK2 : mélangeuse (changeuse)
• AF3 : la lampe MF
• ABC1 : détection et préampli BF
• AL3/4 : lampe de puissance BF
• AL4/4 : lampe de puissance BF 

A ce moment, la partie BF fonctionne, mais avec d’horribles craquements intermittents. Et le début des ennuis commence… 

En effet, de fil en aiguille, il a fallu presque tout reprendre pour arriver à faire fonctionner le poste tant bien que mal. Des résistances aux condensateurs, du remplacement des supports de lampes au remplacement d'une partie du câblage, du nettoyage des bobinages sous protection alu à celui des transfos moyenne fréquence, tout y est passé ! Avec entre chaque piste envisagée de nouvelles pannes, plus sournoises les unes que les autres, voire intermittentes... Le gros problème c'est que le cablage, les supports de lampes, les connecteurs étaient tout rouillé, probablement à cause des déjections des souris... J'ai du m'y remettre à plusieurs reprises, et me suis fait aider par 2 passionnés de TSF.

A noter aussi une particularité concernant l’entrainement du condensateur variable à air. L’entrainement ne se fait pas par une ficelle comme habituellement, mais par un câble métallique. J'ai voulu le remplacer par un autre filin métallique, mais, pas assez souple, il sortait des poulies d'entrainement. J'ai ensuite essayé de la ficelle classique, mais trop épaisse, celle-ci ne rentrait pas dans la gorge de la roue d'entrainement du CV. J'ai finalement utilisé du fil nylon qui convient très bien. Il y a également fallu refaire la pièce en caoutchouc qui fait le lien entre l'axe du bouton des stations et la grande roue d'entrainement du CV, car celle-ci s'était effritée et ne faisait plus contact. J'ai utilisé un morceau de bouchon en plastique qu'on trouve sur les bouteilles de vin à bas prix. C'est bien la première fois que je trouve un intérêt à ces bouchons de substitution aux traditionnels bouchons de liège...

Ce poste est équipé d'un indicateur d'accord appelé indicateur à ombre. Il fonctionne comme un ampèremètre qui aurait une aiguille très large qui occulte plus ou moins l'éclairage d'une simple lampe de cadran. Plus la réception est de bonne qualité, plus la barre lumineuse est grande. C'est moins impressionnant qu'un œil magique, mais dans les années 1935, ça devait faire son petit effet !

La valve "80" en fonctionnement	De tailles imposantes, les bobinages sont très bien conservés sous leur protection en aluminium Ils portent les mentions "Bobinage rigoureusement étalonné - Modèle déposé"

Le poste ayant déjà été reverni, la restauration de la caisse s'est limitée au cadran des stations, bien endommagé par les souris. Pas facile ni parfait, mais mieux qu'avant quand même...

Il manquait un bouton qui a été remplacé, tout comme celui qui était dépareillé. 

En conclusion, on peut dire que ce poste fonctionne à peu près correctement, du moins en GO, et que si ce n'avait pas été un poste ayant appartenu à la famille, j'aurais probablement abandonné avant la fin... Mais bon, le résultat est là : encore un de sauvé !